Mickael J. Roads en train de dialoguer avec un enfant
qui vient de lui apparaître et qui se présente comme un aspect du Soi
qui ne s'est jamais incarné. Vers la fin de leur dialogue,
l'auteur pose à Thane la question suivante :
- Souvent, je me demande si j'ai suffisamment d'amour et de compassion
pour faire ce qui est nécessaire.
Quand je croyais encore à l'illusion
de la séparation, je désirais ardemment changer le monde,
mais ce désir reposait sur la peur et l'illusion.
A présent que je connais une vérité plus grande,
je n'éprouve plus le désir de changer quoi que ce soit.
Peut-être suis-je devenu trop indifférent.
Peut-être est-ce l'explication de mon manque d'enthousiasme.
Ses yeux noirs me fixèrent avec solennité.
- Etant un aspect du Soi, je sais que c'est faux.
N'as-tu pas éprouvé de la compassion pour les soldats romains ?
N'as-tu pas pleuré pour l'humanité ?
- Oui, mais j'ai été lent à réagir.
- Et est-ce mal si tes sentiments profonds
ne se manifestent pas immédiatement ?
Je demeurai silencieux.
- Te souviens-tu de l'incident supraphysique qui s'est produit
quand tu avais dix-sept ans ? demanda Thane.
Cela concernait une famille qui vivait dans un taudis.
- C'était un rêve, dis-je en me mettant sur la défensive.
- Tu sais très bien que non. C'était ta façon de remiser cette expérience.
Crois-tu réellement que tu t'es endormi avec une pile de livres sur les genoux,
dans la bibliothèque publique de Cambridge ?
Tu as déjà du mal à faire la sieste sur un lit, dans la journée !
Non, Mickael, le moment était parfaitement choisi;
c'était un moment d'ouverture et de réceptivité.
A cet instant où, dans la bibliothèque, tu es sorti de ton corps physique
pour entrer dans ton corps de lumière,
tu étais plus éveillé que tu ne l'avais jamais été depuis bien longtemps.
Je m'en souvenais parfaitement.
J'étais en train de lire un livre évoquant l'amour et la compassion
d'un médecin relativement obscur du dix-neuvième siècle,
et des sacrifices personnels qu'il avait accomplis dans l'exercice de ses fonctions,
lesquelles reposaient sur l'amour.
J'avais trouvé ce récit très émouvant et très inspirant.
J'avais senti, pendant de longs moments, un mouvement intérieur,
comme si je planais dans un espace inconnu ;
ensuite s'était produite l'expérience que j'avais qualifiée de rêverie.
Thane sourit.
- Mais tu étais hésitant ! souviens-toi :
tu essayais de repousser ta compassion et de nier cette expérience.
Cependant malgré toi, tu as fini par exprimer ton amour et ton intérêt.
- Comment sais-tu tout cela ?
- Te souviens-tu de l'ange ?
- Oui, bien sûr.
- C'était moi.
- Mon Dieu !
Le souvenir de cette expérience me frappa comme une onde de choc.
Au moment où je me laissais retomber dans la chaise-longue invisible,
je fus saisi par l'incident, qui redevient pour moi réalité.
***
J'étais en train d'observer une maison lugubre dans un quartier sordide.
Des papiers gras et des ordures jonchaient l'escalier
qui conduisait à la porte de derrière ;
cette maison était un véritable taudis.
Malgré la crainte et la répulsion que suscitait en moi cette vision étrange
dans la bibliothèque publique,
j'avais senti mon corps de lumière se lever de la chaise,
marcher vers la maison et commencer à gravir l'escalier.
Dans ma conscience physique, je désapprouvais ce qui se passait,
mais mon corps de lumière a poursuivi son ascension
avec une farouche détermination.
Je montais les marches en fer d'un long escalier,
qui partait du fond d'une ruelle. C'était pendant la journée,
mais il faisait sombre dans cette rue où le soleil ne pénétrait presque jamais,
cette rue étroite de la ruine et du désespoir.
Tout ce que je touchais était couvert d'une épaisse couche de poussière,
comme cette rambarde branlante à la peinture écaillée.
C'était mon corps de lumière qui dirigeait mes actions, si bien
que malgré mon dégoût, j'ai ouvert la porte délabrée et je suis entré.
L'intérieur était encore en plus mauvais état que la porte.
Je regardais autour de moi, atterré par le désordre et la saleté qui régnaient en ces lieux.
C'était l'antipode de l'ordre et de la propreté auxquels j'étais habitué.
Des casseroles graisseuses, incrustées de restes de nourriture,
s'empilaient dans un coin ; au centre de la pièce,
se trouvait une table et deux chaises tout aussi dégoûtantes.
Le long d'un mur, un divan auquel il manquait un pied,
semblait avoir été récupéré dans une décharge.
Les murs et les plafonds, souillés par de vastes taches d'humidité,
laissaient voir une peinture décolorée qui s'en allait par morceaux.
L'odeur envahissante de la bière avait la suprématie sur celles de tabac et de moisissure.
C'était un spectacle effarant. Quelque part en moi,
une pensée cherchait à s'imposer : "Sors de là, vite !"
mais j'étais retenu par un engagement intérieur.
Plus que tout, c'étaient les occupants de la pièce qui incitaient à prendre la fuite.
Dans l'une des chaises, un homme était affalé, la tête et le torse reposant sur la table.
Une main sale serrait une bouteille de bière vide,
tandis que la tête de l'homme se nichait sur l'autre bras.
Les yeux étaient clos et des lèvres entr'ouvertes s'échappait un filet de bave.
Une barbe de trois ou quatre jours formait un nuage gris sur son visage
et une mouche solitaire se déplaçait tranquillement sur son crâne chauve.
Pour compléter ce tableau de dégénérescence, une chemise tachée,
sous laquelle se tendait un ventre ballonné par la bière,
sortait en partie d'un pantalon miteux.
Cet homme incarnait tout ce que je détestais de plus chez les humains.
Il n'était pas seul. Etendue sur le divan, une blonde décolorée,
débraillée, les lèvres peintes en rouge vif,
ronflait doucement avec un gargouillis monocorde.
Son visage était inexpressif et relâché,
comme si tout amour-propre l'avait abandonnée depuis longtemps.
Affublée d'un corsage qui jadis avait dû être blanc
et d'une jupe noire tachée et froissée, elle avait l'air d'une souillon.
De l'autre côté, quelque chose remuait.
Assis dans les cendres d'une cheminée, je vis un garçonnet sale et maigrelet,
fourrageant d'un air absent dans un petit tas de bois calciné.
J'allai le rejoindre et m'agenouillais près de lui, profondément choqué.
Il pouvait avoir un an et demi/deux ans. Il ne portait aucune marque de violence,
mais le manque d'amour et de tendresse donnait à ce visage vieilli
une tragique expression de désespoir. Il portait un simple tricot de corps.
Autour des organes génitaux, la peau était rouge, crevassée et squameuse.
Il sentait mauvais, et cette odeur de vomis et d'excréments attirait autour de lui
des essaims de mouches.
Je me redressai, dégoûté, le cœur soulevé.
La fureur m'emplit et pendant un long moment menaça d'éclater,
mais dans ce corps de lumière c'était impossible.
Le moi physique, personnel, serait parti
ou aurait injurié l'homme et la femme, verbalement ;
jamais, il ne se serait mêlé de cette histoire.
Mais il s'agissait ici d'un autre aspect de moi-même,
dans un lieu et une situation qui, je le savais, étaient bien réels.
Pourquoi suis-je ici ? plaidai-je silencieusement.
En quoi puis-je être utile ?
Avec la clarté d'un carillon, une voix angélique se mit à me parler intérieurement.
En même temps, je vis apparaître un Etre de lumière,
qui était exactement tel que j'imaginais les anges, les ailes en moins.
Il avait l'aspect d'un être humain de petite taille, et semblait éclairé de l'intérieur,
si bien que je ne distinguais pas ses traits.
J'étais plus déconcerté que surpris car de cet Etre émanait une pureté quintessencielle.
Des questions se bousculaient dans mon esprit,
mais c'est l'être de lumière qui posa la première.
- Pourquoi éprouves-tu autant de répulsion à l'égard de ces gens ?
Assez surpris par sa perspicacité, je répondis néanmoins avec honnêteté.
- Parce qu'ils représentent tout ce que je déteste chez les êtres humains,
répondis-je mentalement.
- Oublies-tu qu'ils sont tout aussi humains que toi ?
- Non, bien sûr. Mais pourquoi sont-ils tombés si bas ?
- Ainsi, tu les as jugés et reconnus coupables ?
- Ce sont eux et personne d'autre, qui ont créé cet environnement sordide.
Il n'est donc pas question de jugement, mais d'évidence.
- Je ne réfute pas ce que tu vois.
Je te demande de réfléchir à ce que tu ne vois pas.
- Pourquoi me critiquer ? demandai-je, quelque peu perplexe.
Après tout, ce n'est pas moi le coupable ici.
- Tu vois. Tu as prononcé le mot coupable.
- Tu m'as troublé. Où veux-tu en venir ?
- Compassion. Compassion et non pas condamnation.
J'étais de plus en plus perplexe.
- Je ressens certaines choses, et je n'y peux rien, n'est-ce-pas ?
Ces gens violent toutes les valeurs de décence auxquelles je crois.
- Tu affirmes être donc la victime de tes sentiments et de tes valeurs.
Ces gens ne pourraient-ils pas dire la même chose ?
A présent, j'étais en colère.
- Ecoute ! A quoi joues-tu ?
Tu essaies de m'avoir avec des mots, c'est tout !
- Je n'essaie pas de t'avoir avec des mots. Je te les retourne
simplement pour que tu les réexamines. Voilà à quoi je joue.
- D'accord ! Supposons que j'accepte cela supposons
que je reconnaisse avoir jugé ces gens par inadvertance.
En quoi cela va-t-il changer les choses ?
- On ne peut véritablement changer une situation
que si l'on est soi-même prêt à changer.
- Mais je n'ai pas besoin de changer !
Oh, tu veux dire, est-ce que je peux éprouver de la compassion plutôt que du dégoût ?
- Ne serait-ce pas un profond changement ?
- Oui, je suppose.
A ce moment, j'ai ressenti un sentiment d'humiliation.
- Mais qu'est-ce que la compassion ?
J'ai honte de l'avouer, mais je ne sais pas exactement ce que cela veut dire !
- Mais si, tu le sais. Tu l'as éprouvée en lisant le livre au sujet du médecin.
Si tu es ici actuellement, c'est parce que tu as décidé de mettre en pratique ta compassion.
Ainsi tu l'accepteras au lieu de la nier continuellement.
J'étais étonné.
- Connais-tu tout de moi ?
- Bien sûr.
- Es-tu mon ange gardien ?
- Ange-guide serait un terme plus approprié.
- Voyons, pourquoi ne le disais-tu pas ?
- Cela change –il quelque chose ?
Tu entends seulement quand tu le veux bien.
Je murmure ma sagesse, tandis que ta peur et ta stupidité poussent des clameurs.
M'écouteras-tu à présent ?
- Bien sûr.
- Accorde ton attention aux gens qui se trouvent dans cette pièce.
Vois si tu peux découvrir dans ton cœur un peu d'amour pour eux.
Je me suis approché de l'homme, essayant de ressentir pour lui quelque sympathie.
Mais je ne ressentais rien, rien, sinon du dégoût.
J'ai regardé la femme qui ronflait, et j'éprouvai la même répulsion.
- Je crains d'avoir raté mon exercice, dis-je.
J'ai alors tourné mon attention vers le petit garçon.
Sympathie et sollicitude jaillirent en moi comme la flamme d'une allumette.
Je me suis agenouillé près de lui et j'ai essayé de le prendre dans mes bras,
mais c'était impossible. Physiquement, je n'étais pas là.
Je vis que ses cheveux grouillaient de poux et
j'ai senti les vagues de désespoir qui le submergeaient.
Je voulais le serrer dans mes bras, le réconforter.
- J'ai pitié. Plus que tout au monde, je désire venir en aide à ce pauvre petit.
Mais quant à ses parents, que le diable les emporte!
Regarde ce qu'ils lui ont fait.
- Ainsi donc, tu ressens une étincelle d'amour limité,
mais aussi de l'intolérance et même de la haine.
Est-ce tout ce dont tu es capable ?
Ne comprends-tu pas encore que ce n'est pas l'âge
qui détermine qui est l'enfant dans cette pièce ?
Je me sentais attaqué et voulais répliquer.
- Qu'est-ce que tu racontes ?
Que je les aime ou non, qu'est-ce que cela peut bien faire ?
- Si tu peux les aimer, les accepter tels qu'ils sont,
cet amour devient une lumière dans leurs ténèbres,
une porte qui s'ouvre, alors que toutes les autres demeurent closes.
Cela leur permet de commencer à ressentir un peu d'amour-propre,
de passer du désespoir à l'espoir.
Ces deux êtres sont consumés par le dégoût d'eux-mêmes.
Crois-tu qu'ils doivent encore s'y enfoncer davantage ?
S'ils sont dans cette situation, c'est parce qu'ils ne peuvent pas se regarder en face.
Ils ont besoin d'être aimés pour ce qu'ils sont,
non pour ce qu'ils pourraient être dans des circonstances différentes.
- Si tu sais tant de choses et si tu peux aimer tout le monde,
pourquoi ne pas leur donner ton amour ?
Tu es manifestement plus doué que moi, dis-je d'un ton de défi.
- Hélas, ce n'est pas l'amour des anges qui fera progresser l'humanité.
C'est l'amour de chacun de vous, pour autrui et pour tous.
Et plus encore, c'est l'amour que vous vous portez.
Voilà la grande leçon de l'humanité.
Malgré mes réticences, je savais que le problème auquel
je me trouvait confronté aurait des répercussions sur toute ma vie.
Davantage encore, peut-être, que pour les gens de cette pièce.
Sachant qu'on ne peut pas se forcer à aimer, je me suis accroupi à côté du garçon,
me concentrant sur lui. J'ai laissé la sympathie grandir entre nous, nous lier et nous unir.
Peu à peu, j'ai senti quelque chose émerger des profondeurs de mon être
et sortir de moi pour aller étreindre le petit garçon.
A cet instant, j'ai remarqué la lumière qui nous entourait et qui ne cessait de croître.
Lentement, l'Amour-Lumière qui était sous mon contrôle
sans que je sache exactement comment se répandit dans toute la pièce
et finalement engloba l'homme et la femme dans son aura.
A la fois surpris et émerveillé, je réalisai que les parents m'importaient beaucoup.
Mais ce sentiment émanait d'un niveau tellement profond
que je n'en avais jamais encore soupçonné l'existence.
A mesure que mon acceptation de la famille s'imposait à ma conscience,
l'Amour-Lumière s'intensifiait. Alors il se produisit quelque chose.
La femme ouvrit les yeux et regarda l'enfant.
Une expression de dégoût pour elle-même passa sur son visage ;
secouant la tête de pitié, elle se leva du divan et traversa la pièce d'un pas hésitant.
Elle ne pouvait pas me voir et ne pouvait voir ni l'ange ni l'Amour-Lumière.
Prenant le petit garçon dans ses bras, elle l'embrassa sur le front
et ouvrit de grands yeux en apercevant les poux qui circulaient dans ses cheveux.
Ses paroles étaient un cri de désespoir.
- Mon Dieu, Bill, on ne peut pas laisser le gosse dans cet état.
Bon sang, que de mal on se fait !
Bill se redressa en grognant.
- Qu'y a t-il ? Que dis-tu ?
- Je dis que nous devons nous sortir de cette misère.
Le gosse est plein de poux et nous deux on pue l'alcool.
Bon sang, Bill, ça ne peut plus durer comme ça.
Comment est-ce qu'on a pu en arriver là ?
Bill regarda l'enfant, le visage crispé par un sentiment de culpabilité.
- Je ne sais pas, marmonna t-il, je ne trouve pas de travail.
- D'accord, tu ne trouves pas de travail,
mais est-ce une raison pour vivre comme des porcs ?
Mon Dieu ! On dirait que je découvre cette pièce.
Elle pue et toi aussi… et moi aussi.
Elle se mit à pleurer, le regard noyé de honte et de chagrin.
L'ange se tourna vers moi, sa lumière parsemée d'étincelles dorées.
- La guérison a commencé. Tu as été l'agent du changement
parce que toi aussi tu as accepté de changer, même si c'est d'une façon limitée.
Comme tu t'en doutais, il s'agit d'une situation réelle
et cette famille commence maintenant à sortir du tunnel.
Avec l'aide des autres, ils pourront remonter la pente.
J'étais heureux de la tournure prise par les événements,
mais la remarque au sujet des limites de mon changement m'irritait.
- En quoi mon changement est-il si limité ? C'est du dénigrement.
L'énergie angélique se dirigeait directement sur moi.
- Crois-tu ? Regarde ces gens et vois ce que devient ton amour.
Je regardai la famille qui émergeait de son apathie et des brumes de l'alcool.
Alors, ce fut le choc ! Soudain, voici que l'homme avait mon visage,
de même que la femme et le garçon ! Ils avaient tous mon visage.
Je battis en retraite, dégoûté et l'Amour-Lumière baissa brutalement d'intensité.
- Tu vois ! Tu arrives à éprouver un peu d'amour pour eux,
mais si je te présente ton image en eux, de nouveau la répugnance te saisit.
- Mais… mais… mais…
Je bafouillais lamentablement.
- Mais tu dois accepter en toi ce que tu acceptes chez les autres.
Tu condamnes en toi ce que cet ivrogne symbolise.
Il est cette partie de toi-même qui échappe souvent à tout contrôle,
l'aspect qui s'apitoie sur lui-même et te considère indigne.
Comment guérir ? En t'aimant toi-même.
La femme est ton aspect féminin et ne correspond pas forcément
à ta conception de la beauté féminine.
Ton moi féminin est choqué par la laideur, mais ne la condamne pas.
Aime ton moi féminin et non l'éclat d'une beauté factice.
Et l'enfant est l'enfant en toi, négligé dans sa course vers l'âge adulte.
Ressuscite et vénère l'innocence et l'acceptation de soi de l'enfant.
Pour cela, aime l'enfant en toi, l'enfant tel qu'il est
et non tel que tu voudrais qu'il soit.
Ces paroles silencieuses se répercutèrent en moi
avec une intensité croissante,
comme si elles étaient destinées à se graver pour toujours dans ma psyché.
La lumière angélique s'alluma d'un éclat si violent que
mes yeux s'ouvrirent brusquement, tandis que ma tête se détournait instinctivement.
J'étais assis dans la bibliothèque,
et sur mon visage tombait d'une fenêtre étroite et haut perchée,
un vif rayon de soleil.
Fortement secoué, j'essayais de digérer tout ce qui venait d'arriver.
La bibliothèque était bien celle où j'avais coutume de me rendre régulièrement ;
toutefois, je constatais, sans pouvoir me l'expliquer,
que les chemins des réalités expansées s'étaient rencontrées
et avaient fusionné. Ce qui s'était passé ne me plaisait pas.
Il m'était très pénible de penser au dégoût que j'avais éprouvé
en voyant mon visage sur ces habitants du taudis.
Regarder en face la vérité aveuglante, mes insuffisances, était trop douloureux;
aussi l'ai-je fait passer aux oubliettes.
Trop de choses s'étaient révélées.
J'ai enfoui cette expérience dans les profondeurs obscures de mon être,
où demeuraient déjà tant d'émotions et de pensées infâmes.
Au lieu d'accepter la possibilité de m'examiner honnêtement,
mais sans me juger, je l'ai repoussée.
…/… Comment avais-je pu rejeter ainsi une telle expérience ?
Il avait fallu un catalyseur comme Thane
pour qu'elle puisse remonter à ma conscience.
Elle s'était manifestée régulièrement dans mes rêves
au cours des années qui avaient suivi, mais là encore,
j'avais décrété que ces rêves n'avaient aucun sens.
- C'est la valeur potentielle des rêves, dit Thane,
qui avait entendu mes pensées pendant le sommeil,
la conscience peut œuvrer activement au progrès intérieur,
car à ce moment les désirs et les besoins que le mental
doit s'employer à satisfaire sont absents.
La conscience cherche toujours à remplir un objectif plus élevé.
Mais crois-tu encore que tu n'as pas la compassion nécessaire ?
Je réfléchis quelques instants ; mais je savais maintenant
qu'il y avait en moi de la compassion.
J'étais peut-être lent à démarrer,
mais je ne pouvais nier la présence de cette force intérieure
qu'est la compassion.
Thane sourit. Il savait !
Michael Joseph Roads, résident australien né le 14 avril 1937 au Royaume-Uni, est un auteur d'essais, d'articles et de livres. Ses principales œuvres sont Dialogue avec la Nature, Au cœur de la Nature, Retour à l'Unité : Une odyssée spirituelle et Into a Timeless Realm.
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